Premier jour à Mazar

Premier jour à Mazar

Le sentiment d'être à un endroit spécial sur terre.

Première après-midi ensoleillée à Mazar.

Les premières impressions

Je me souviens encore très clairement de mes premières minutes en Afghanistan; surtout les couleurs. Il y avait cette couleur de sable blond qui était prépondérante sur le sol, les bâtiments, les montagnes autour, et la poussière qui volait de partout. De cette atmosphère brumeuse ont émergé deux couleurs vives : le bleu des burkas de toutes tailles, ainsi que le jaune de bidons en plastique et des taxis Toyota corolla. Il m'a fallu un peu de temps pour comprendre que les bidons jaunes étaient des bidons d'huile réutilisés. Certains enfants transportaient de l'eau dedans, d'autres de la nourriture, et ils étaient aussi utilisés par les enfants des rues pour ranger leurs outils de polissage des chaussures.

Le conducteur du taxi vers lequel je suis allé était un peu surpris que je ne parle pas Dari, mais on s'est débrouillé avec l'Anglais et l'Hindi. On s'est installé avec deux autres passagers dans le taxi et mon mélange de Turque/Hindi/Anglais les faisait bien marrer. Ils étaient un peu plus confus quand ils ont compris que j'étais français et que je n'étais pas venu pour le travail mais pour faire du tourisme.

L'hôtel Aamo était l'hôtel le moins cher que je pouvais localiser sur une carte, donc je leur ai demandé de m'y déposer. Dans "Afghanistan, Fortress of Cannabis" j'explique comment je suis arrivé à Mazar et pourquoi ça me paraissait être le point d'entrée idéal en Afghanistan.

L'hôtel Aamo

Réception de l'hôtel Aamo.

L'hôtel était en plein cœur de Mazar, faisant face à l'entrée de l'enceinte de la mosquée Bleue. J'ai remercié le chauffeur et ses passagers qui m'ont souhaité bonne chance et conseillé de faire attention à mon téléphone. Je suis monté au premier étage de l'hôtel et un homme dans une des chambre semblait être le responsable. Il est devenu tout timide quand il a compris que j'étais français. On a parlé du prix avec les mains, quelque chose comme 5€, puis il m'a montré la chambre. Je voyage toujours avec un petit budget et je suis habitué aux hôtels pas chers, les toilettes communes, les draps sales, etc. Ça ne me pose pas trop de problèmes si je suis dans une ville que j'aime bien. La cambre avait quatre lits disposés le long des quatre murs, une vieille télé, et une belle vue sur la mosquée. Il y avait un WC et un lavabo commun à l'étage; il n'y avait pas de douche mais ils n'avaient aucun problème pour que je reste !

La chambre de l'hôtel Aamo.

L'employé de l'hôtel m'a expliqué que quelqu'un qui parlait Anglais viendrait un peu plus tard. Donc j'ai posé mon sac, je suis sorti changer de l'argent et tout le monde dans l'hôtel m'a une nouvelle fois conseillé de faire attention aux voleurs de téléphone. C'était une belle après-midi et ça faisait du bien de déambuler dans mon shalwar kamize pakistanais.

L'argent, la carte sim et la bouffe

J'ai fait mon premier tour du marché autour de l'enceinte de la mosquée, et je m'y suis senti en sécurité. J'ai trouvé une banque pour changer de l'argent. Elle était bien gardée et bondée, mais j'ai pu changer de l'argent avec un bon taux de change. Je pouvais ensuite acheter une carte sim, et j'ai rencontré des jeunes qui en vendaient. On a rigolé parce que je ne parlais pas Dari, mais ils ont compris que j'avais besoin d'une sim. Ils l'ont installé et fait toutes les démarches pour l'activer. Ils m'ont offert un thé vert, on a rigolé, puis ils m'ont aussi demandé quel était mon boulot en Afghanistan, ce à quoi j'ai répondu "no job, tourist". Eux non plus ne savaient pas trop quoi en penser.

L'hôtel, et en fait ma chambre, étaient juste au dessus d'un restaurant qui faisait des frites et du poulet rôti sur le trottoir. J'y ai mangé un gros shawarma, et j'ai pu prendre le temps d'observer ce qu'il y avait autour de moi. C'était un des carrefours le plus animé de la ville et le restaurant semblait assez populaire. Des petites filles mendiaient en harassant les passants, tirant les vêtements, ou courant vers les gens, avec les employés du restaurant qui les chassaient dans un jeu du chat et de la souris. Il m'a fallu quelques minutes pour remarquer les mères autour de la scène qui récupéraient l'argent, et après quelques jours dans l'hôtel, j'ai pu voir qu'elles étaient déposées chaque matin et récupérées chaque soir. C'est la partie visible des mafias de mendiants..

De retour à l'hôtel, un jeune de 20 ans parlant bien Anglais m'attendait. Il m'a fait remplir un formulaire, récupéré l'argent de la chambre, et m'a expliqué que je pouvais prendre une douche dans les douches publiques plus loin dans la même rue.

Trouver du hasch

Une fois les formalités passées, on a commencé à discuter. Il étudiait l'Anglais pour travailler dans le tourisme. Un de ses doigt était teinté d'encre bleue, montrant qu'il avait voté lors des élections parlementaires la semaine précédente. Je lui ai demandé si il savait où je pouvais trouver du hasch et il est allé m'en chercher. En l'attendant, traînant dans l'hôtel, les autres avaient compris ce qu'il se passait et les gars qui travaillaient dans le restaurant m'ont amené sur le toit de l'hôtel et m'ont fait rouler un morceau de hasch. En l'espace de quelques heures, j'avais pu changer de l'argent, acheter une sim, manger, et trouver un endroit pour poser mon sac et dormir. J'avais même un joli morceau de hasch car le gars de l'hôtel était revenu avec un bon haschich brillant et aplati par le voyage dans la poche arrière de son jeans.

Sur le toit de l'hôtel Aamo

En ce qui concerne ma sécurité, je n'avais pas l'impression que ce soit si différent d'une autre ville asiatique, et fumer sur un toit au dessus de Mazar était un peu comme un rêve qui se réalise. Toutes mes inquiétudes avaient disparues et j'avais l'impression d'être au bon endroit.

Quand le jour se couche

Peu après le coucher de soleil, je suis sorti pour acheter de l'eau, et le gars de l'hôtel m'a dit avant de sortir "attention c'est pas la France ici". Je me suis rappelé avoir entendu la même chose à l'ambassade d'Afghanistan, et je suis sorti bien défoncé en pensant "ouais, ouais..."

L'heure de pointe à Mazar

Je suis donc sorti et j'ai réalisé que tout était devenu sombre et que la bonne ambiance de l'après-midi avait disparue. Les voitures qui foncent, qui klaxonnent, les sirènes, les appels à la prière, les vendeurs qui crient, l'obscurité et les flashes, les gens pressés... J'avais l'impression que si quelque chose m'arrivait, un kidnapping ou une crise cardiaque, personne ne ferait quoi que ce soit ni même le remarquerait. On peut avoir cette impression dans n'importe quelle grande ville, mais il y avait là un sentiment de peur chez les gens; comme si tout le monde avait peur de ne pas rentrer à la maison avant la nuit, entièrement concentré sur leurs trajectoires. J'ai acheté ma bouteille d'eau et je suis vite retourné sur le toit de l'hôtel. c'était bien mieux de regarder cette frénésie du coucher de soleil avec plus de hauteur.

Quand la nuit est tombée, la ville s'est de nouveau transformée pour devenir extrêmement calme. Ça aussi c'était assez différent des autres villes dans lesquelles j'ai voyagé où les marchés restent actifs au moins jusqu'à 22h. Les voitures ne circulaient plus, les rues étaient vides, et le calme régnait. La nuit les rues appartenaient aux camions et aux fous. Ça me paraissait quand même faisable de sortir à nouveau, dans tous les cas il fallait bien que je mange. J'avais remarqué un restaurant un peu plus tôt et j'avais très envie de goûter mon premier Kabuli pulau. Cette fois-ci le gars de l'hôtel m'a dit de ne pas sortir et que la ville n'était pas sûre la nuit. Je lui ai répondu que j'avais très bien compris ça, mais que j'allais juste manger au coin de la rue. C'était pas très rassurant mais je me sentais mieux dans une rue vide que dans le chaos un peu plus tôt. Je suis entré dans le restaurant affamés, fatigué physiquement et émotionnellement, et bien défoncé. Un cuisinier remuait une casserole géante de Kabuli et alors que j’essayais de choisir entre le Turque l'Hindi ou l'Anglais, il m'a demandé "you, you want food ?" en joignant le geste à la parole. Mes yeux se sont ouverts et j'ai répondu "yes! Kabuli ?". Il m'a proposé d'autres choses et j'ai dit oui à tout. Il est alors revenu avec une grosse assiette de Kabuli recouvrant un morceau d'agneau, des boulettes de viande, une salade et du curd. C'était fantastique.

Salade, curd, kabuli, boulettes de viande dans une sauce tomate aux pois chiches.

Un dernier joint sur le toit de l'hôtel ce soir là m'aida à réfléchir sur les événements du jour. J'étais vraiment content de voyager et d'être dans un endroit nouveau, mais j'avais aussi l'impression que quelque chose clochait et qu'il fallait faire attention à prendre les bonnes décisions.

A SUIVRE : Comprendre ce que je peux faire et ce que je ne peux pas faire

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